Héribert-Label Elisée ADJOVI / Envoyé spécial à Xi’an
Après la conférence de Monsieur Xue Bing, Envoyé spécial du Ministère chinois des Affaires étrangères pour la Corne de l’Afrique, sur les fondamentaux de la politique étrangères de la Chine en général et la politique africaine de la Chine en particulier, quatre conférences - à raison de deux à Yangling et deux autres à Xi’an - sont venues compléter l’exposé préliminaire de Monsieur Xue Bing. Animée par la Professeure de l’Université d’Agriculture et de Forestière du Nord-ouest, Wang Hongmei, la première conférence-débat a pour thème, « Les réalisations du développement de l’agriculture moderne en Chine ». « La Chine a accompli des progrès remarquables dans le développement de son agriculture moderne, en combinant innovation technologique, réforme structurelle et soutien gouvernemental… L’agriculture est le fournisseur direct de la sécurité alimentaire, constituant sa première ligne de défense. »
L’agriculture constitue une composante importante de l’économie chinoise et un stabilisateur de la croissance économique, souligne Professeur Wang. En 2024, la valeur ajoutée du secteur a atteint 94,139 milliards de yuans, représentant 6,5% du Produit intérieur brut du pays. Toujours l’année dernière, en matière de sécurisation alimentaire et de renforcement des capacités de production et pour la première fois de son histoire, le pays a franchi le cap symbolique des 700 millions de tonnes de production alimentaire (pour environ 1400 milliards de yuans). En 2025, la Chine a franchi une nouvelle étape dans la modernisation de son agriculture, en mettant l’accent sur l’innovation technologique, la sécurité alimentaire et la revitalisation rurale. En termes de sécurité alimentaire et de productions céréalières, l’objectif de 700 millions de tonnes de céréales par an fixé dans le Plan directeur décennal (2024-2035) a été atteint ainsi que le renforcement de l’autosuffisance alimentaire. Ceci, grâce à l’amélioration des rendements du riz, du blé et du soja. S’agissant des technologies agricoles intelligentes, il y a l’intégration de la 5G, de l’IA, du big data et de l’internet des objets dans la gestion agricole. Il y a également l’utilisation de drones pour le semis, la surveillance des cultures et la lutte antiparasitaire, réduisant les coûts et l’impact environnemental. Il y a enfin, le déploiement de systèmes de navigation BeiDou sur les semoirs et charrues pour une agriculture de précision. La modernisation agricole chinoise, c’est aussi des progrès réalisés avec l’innovation génétique et les semences, la modernisation des équipements agricoles, l’agriculture durable et verte, l’élevage et la transformation agroalimentaire ainsi que la formation et la revitalisation rurale. Le Plan chinois pour l’accélération de la construction d’une puissance agricole (2024-2035) comprend un soutien technologique renforcé, une intégration industrielle plus poussée, un développement vert plus marqué et une gouvernance rurale plus efficace. Ces avancées montrent que la Chine ne se contente pas d’augmenter sa production. Elle transforme son modèle agricole pour le rendre intelligent, plus durable et plus compétitif. L’expérience chinoise en matière de modernisation agricole peut être utile à l’Afrique. Encore faudrait-il que les pays africains réalisent une intégration harmonieuse des villes et des campagnes, le développement vert de l’agriculture, l’optimisation de la structure industrielle et le développement des villes et des campagnes. En résumé, il faut accorder une importance à la technologie scientifique et optimiser les structures agricoles, en multipliant les modèles existants. Pour conclure, la Professeure Wang Hongmei conseille : « La Chine a modernisé son agriculture en combinant adaptation locale et réformes intégrées - politiques, technologies et marchés -. Pour l’Afrique, l’enjeu est d’hybrider ces enseignements avec ses atouts propres - terres, main-d’œuvre, biodiversité - en préservant son autonomie stratégique pour bâtir une agriculture inclusive et durable. »
« L’Innovation scientifique et technologique agricole moderne et sécurité alimentaire », Professeur Yongzhong Feng de l’Université d’Agriculture et de Forestière du Nord-ouest
Deuxième conférencier à ce séminaire en faveur des 50 experts africains présents à Yangling, le Professeur Yongzhong Feng a soutenu que l’objectif de l’innovation scientifique et technologique agricole est d’assurer la sécurité alimentaire pour 1,4 milliard de Chinois, tout en répondant aux défis du changement climatique, de la croissance démographique et de la rareté des terres arables. Ce qui constitue un véritable enjeu de sécurité. Les principales innovations agricoles en Chine concernent l’agriculture intelligente, la biotechnologie et la sélection génétique, la mécanisation avancée, l’hydroponie et l’agriculture urbaine, la plateforme numérique et le e-commerce agricole. L’objectif stratégique de l’innovation scientifique et technologique agricole en termes d’autosuffisance alimentaire est la réduction de la dépendance aux importations, grâce à des rendements accrus et à la diversification des cultures. L’objectif stratégique de l’innovation scientifique et technologique agricole en termes de résilience climatique consiste à avoir des cultures adaptées aux conditions extrêmes et des systèmes d’irrigation économes en eau. L’objectif stratégique de l’innovation scientifique et technologique agricole en termes de réduction des pertes est une meilleure conservation logistique et la traçabilité des produits agricoles. L’objectif stratégique de l’innovation scientifique et technologique agricole en termes d’inclusion rurale concerne la formation des agriculteurs et le soutien aux coopératives pour moderniser les pratiques. En ce qui concerne le soutien gouvernemental, la Chine accorde des subventions aux agriculteurs pour l’achat des machines agricoles, du soutien aux universités et instituts de recherche pour faire avancer l’innovation technologique. Elle réalise les réformes rurales à travers la revitalisation des campagnes par l’innovation, la mécanisation et l’agriculture intelligente. Elle assure la formation et la vulgarisation par la création des zones de démonstration et de centres de formation pour les agriculteurs.
« La mise en œuvre de la modernisation à la chinoise à Shaanxi », Professeur Li Lu, Directeur du Centre de recherche de la théorie du socialisme à la chinoise à l’Institut administratif du Shaanxi
D’entrée de jeu, le conférencier de la troisième communication, le Professeur Li Lu, Directeur du Centre de recherche de la théorie du socialisme à la chinoise à l’Institut administratif du Shaanxi, a défini la modernisation comme « un processus de progrès et de transformation dynamique, multiforme et global, qui passe d’une société traditionnelle à une société moderne. » Dans un sens plus étroit, elle désigne l’industrialisation. Le seuil d’industrialisation serait alors un trait caractéristique de la modernisation. Dans un sens plus large, elle fait référence à un processus historique de transformation d’une société agraire traditionnelle en une société industrielle moderne, avec l’industrialisation comme moteur fondamental, entraînant de grandes réformes dans tous les domaines de gestion de la société. Li Lu relève qu’environ 70% de la population occidentale sont de la classe moyenne, tandis que seulement 400 millions sur 1,4 milliard de chinois ont atteint ce niveau de vie. Raison pour laquelle la Chine se considère toujours comme le plus grand pays en développement. Promouvoir la modernisation de type chinois est la tâche la plus importante dévolue au Parti communiste chinois, le PCC. Au vingtième Congrès du parti en octobre 2022, le Secrétaire général Xi Jinping a déclaré qu’ « à partir de maintenant, la tâche centrale du PCC est d’unir et de conduire tous les peuples de toutes les ethnies du pays » dans la vision de la modernisation à la chinoise. La modernisation à la chinoise présente des particularités communes à toutes les autres et des particularités propres à la Chine. Elle est une modernisation à grande échelle démographique. Une modernisation de la prospérité partagée pour tous les peuples. Une modernisation où la civilisation matérielle et la civilisation spirituelle sont en harmonie (tradition et modernité). Une modernisation de la coexistence harmonieuse entre l’homme et la nature. Une modernisation sur la voie du développement pacifique. La voie du socialisme à la chinoise qui fait référence à la richesse culturelle et la culture de la paix. Ceci, contrairement aux pays Occidentaux pour lesquels, modernisation rime avec déclaration de guerre et confiscation de la richesse des autres peuples. « Dans son discours au neuvième Sommet du FOCAC en septembre 2024 à Beijing, le Président Xi Jinping a indiqué que les relations sino-africaines sont déjà entrées dans un niveau stratégique. La Chine et l’Afrique doivent poursuivre ensemble le rêve de la modernisation et servir de modèle pour la voie de la modernisation du Sud global et de l’humanité… La modernisation sans la Chine et l’Afrique - 2,8 milliards d’habitants - n’est pas la modernisation. » Avec les six objectifs de modernisation et les dix Actions de partenariat stratégique, la Chine entend construire avec ses partenaires africains une communauté d’avenir partagé. Dans ce processus, Xi’an (paix occidentale) - anciennement appelée Chang’an (paix perpétuelle) et capitale de la Chine pendant plusieurs dynasties chinoises depuis l’antiquité, notamment la dynastie des Qin, la dynastie des Han et la dynastie des Tang - est, à la fois, la première ville au monde où la population a dépassé un million, la première ville chinoise à s’ouvrir au monde, le point de départ de la « Route de la soie » et la ville natale du Président Xi Jinping. Après la période impériale glorieuse à Xi’an, la civilisation chinoise est devenue moins importante, avec l’agression des envahisseurs occidentaux. Une situation qui a duré jusqu’aux années 1930 où le pays risquait de disparaître. Créé en 1921, le PCC, après 28 ans de lutte anticoloniale, remporte la victoire et fonde la République Populaire de Chine, le 1er octobre 1949. A l’époque, Shaanxi, berceau de la civilisation chinoise, était à un niveau de développement zéro. Le Président Mao Zedong a dû mettre en place une politique d’aide de l’extérieur. En 1950, la Chine et l’URSS ont établi un pacte d’amitié et d’assistance mutuelle qui a permis l’élaboration, avec l’aide de cette dernière, du premier plan quinquennal chinois. Les experts russes ont proposé 156 projets importants et 600 projets concrets. A l’époque, l’Allemagne de l’Est et quelques pays de l’Europe de l’Est ont également soutenu la Chine. Le premier plan quinquennal a donné une base industrielle à la province du Shaanxi. Plusieurs plans quinquennaux sont intervenus ensuite. Entre-temps, en 1979, la Chine a dû mettre fin au pacte avec l’Union soviétique et payé un prix fort pour cette rupture, en dépit de sa situation économique précaire de l’époque. Soixante-seize ans d’efforts après sa fondation et sous la bannière du Parti communiste chinois, la République Populaire de Chine est devenue la deuxième économie mondiale, avec l’ambition affichée d’en être la première à l’horizon 2049, à son centenaire. Aujourd’hui, la province du Shaanxi est devenue le berceau scientifique, culturel et de la civilisation chinoise. Elle joue un rôle stratégique dans la mise en œuvre de la modernisation à la chinoise, selon les directives du Président Xi Jinping. Lors de sa première visite officielle en 2012, il a appelé la région à écrire un nouveau chapitre dans cette transformation nationale, à travers cinq exigences solides. En termes d’innovations technologiques, le Président Xi a insisté sur le renforcement de la recherche scientifique, la création de centres d’innovation à Xi’an et l’industrialisation des découvertes. Dans le domaine de l’industrie moderne, le Shaanxi doit moderniser ses secteurs traditionnels, tout en développant des industries stratégiques comme l’économie numérique et les services intelligents. Dans le domaine de l’urbanisation équilibrée, la province est encouragée à réduire l’écart entre les zones urbaines et rurales, en améliorant les infrastructures et les services publics dans les districts. S’agissant de la protection écologique, la préservation du Fleuve jaune et des monts Qinling est au cœur des efforts environnementaux, avec une transition vers une économie verte et à faible émission de carbone. Concernant l’ouverture internationale, le Président Xi Jinping a exigé que le Shaanxi s’intègre davantage à l’initiative la « Ceinture et la Route », en renforçant ses capacités logistiques et commerciales. Depuis lors, il est revenu huit fois dans sa région natale. Aujourd’hui, Shaanxi est la province la plus innovante de toute la Chine. Elle est également une province forte en termes de richesses culturelles, d’éducation, de sécurité et de respect de la loi. La protection et la restauration des écosystèmes importants, tels que les Qinling et le fleuve jaune, ont obtenu des résultats satisfaisants. Le 12 janvier 2019, le Centre scientifique national de Xi’an et le Centre d’innovation technologique ont été salués pour leur contribution à l’avancement scientifique et technologique de la Chine et ont été félicités pour leurs efforts. Par exemple, les sections centrales du fuselage, les caissons d’ailes, les ailerons, les volets et les gouvernes du C919 chinois sont fabriqués à Shaanxi. Sur le plan diplomatique, le Secrétariat du mécanisme Chine-Asie centrale sera installé à Xi’an. Une décision prise au sortir du Sommet Chine-Asie centrale qui s’est tenu à Xi’an en mai 2023. Point de départ de la « Route de la soie », Xi’an a franchi le cap de 3000 départs de trains sino-européens en 2024. Pour le Professeur Li Lu, « Le Shaanxi, avec Xi’an comme locomotive, est appelée à devenir un modèle de transformation régionale dans l’Ouest de la Chine. »
« Facilitation du commerce transfrontalier et approfondissement de la coopération économique et commerciale sino-africaine », Professeur Feng Zongxian de l’Université Jiaotong de Xi’an
Les 50 experts africains venus à Xi’an ont suivi une dernière et quatrième conférence sur la facilitation du commerce transfrontalier et l’approfondissement de la coopération économique et commerciale sino-africaine. Lors de son intervention, le Professeur Feng Zongxian a indiqué que c’est en novembre 2014 que le Conseil général de l’Organisation mondiale du commerce, OMC, a adopté le Protocole de modification de l’Accord instituant cette organisation onusienne. La Chine est le seizième pays à accepter ledit Protocole. Le 22 février 2017, 112 pays membres de l’OMC ont accepté l’Accord, dépassant les 2/3 requis selon les dispositions prévues par le texte soumis à l’appréciation des pays membres. Il est revenu sur le contenu fondamental de l’Accord, les actions et les résultats, en soulignant qu’on doit lutter contre la protection commerciale par la facilitation commerciale. Référence faite, notamment au protectionnisme américain manifesté encore dernièrement par l’augmentation unilatérale des taxes douanières sur les produits en exportation vers les Etats-Unis d’Amérique. La Chine, quant à elle, a pris seize mesures pour améliorer l’environnement commercial des ports et faciliter les formalités douanières. Ceci, par la construction des ports intelligents, la simplification des procédures, la définition d’une fenêtre unique du commerce international, impliquant dix-huit ministères chinois. Par exemple, à Shanghai, premier grand port de la Chine, 95% des formalités sont traitées via la fenêtre unique. Ce qui inclut innovation des modèles, innovation institutionnelle, innovation technologique et innovation des services. Le Professeur Feng Zongxian, de l’Université Jiaotong de Xi’an, a rappelé que la Chine est le premier partenaire commercial de l’Afrique. Avec un volume commercial dépassant les 2000 milliards de dollars depuis le lancement de l’Initiative la « Ceinture et la Route ». L’Afrique est le deuxième marché pour les contrats de travaux publics chinois, avec plus de 700 milliards de dollars, dix grands plans de coopération, cinq grandes actions et neuf projets dans divers secteurs. Le Professeur Feng Zongxian conclut en ces termes : « Le partenariat économique et commercial sino-africain repose sur les principes de bénéfices mutuels, de développement partagé et de respect des souverainetés nationales ».