Retour sur le séminaire de Xi'an selon Docteure Rouibi Rima de l'Algérie : Vers une coopération sino-africaine durable et inclusive

Cinquante experts africains - parmi lesquels des Professeurs d’université, des Directeurs d’instituts de recherche et des Présidents de groupes de réflexion - ont participé au séminaire de Xi'an sur "La modernisation à la chinoise et le développement de l’Afrique", tenu du 17 au 24 juillet 2024 dans la province du Shaanxi, en Chine. De retour dans leurs pays respectifs, certains ont accepté de répondre à notre série d'interviews intitulée « Trois questions aux participants du séminaire de Xi’an ». Aujourd’hui, nous échangeons avec la Représentante de l'Algérie, Docteure Rouibi Rima.

Bonjour Docteure Rouibi Rima, vous êtes la Représentante de l'Algérie au séminaire de Xi'an sur "La modernisation à la chinoise et le développement de l'Afrique". Présentez-vous et dites-nous, quelles sont vos impressions au sortir de ce grand rendez-vous de mise en œuvre des "Six objectifs principaux de modernisation" et des "Dix Actions de partenariat stratégique" entre la Chine et l'Afrique ? Je suis Docteure Rouibi Rima, Maître de Conférences à l'Ecole Nationale Supérieure de Journalisme et des Sciences de l'Information (ENSJSI) d'Alger. J’ai effectivement représenté mon pays, l’Algérie, au séminaire international de Xi'an sur "La modernisation à la chinoise et le développement de l'Afrique". En tant que telle, j'ai eu l'honneur de participer à cette rencontre de haut niveau, qui s'inscrit dans la continuité du Forum sur la Coopération Chine-Afrique (FOCAC) et qui vise à explorer les synergies entre le modèle de modernisation chinois et les aspirations de développement durable du continent africain.

Au sortir de ce grand rendez-vous, mes impressions sont profondément positives. Ce séminaire a été une véritable plateforme d'échange fructueux, marquée par une dynamique constructive et une vision partagée pour un partenariat gagnant-gagnant. Il a permis une mise en œuvre concrète des six objectifs principaux du FOCAC – notamment l'égalité, le développement mutuel, la solidarité et la sécurité, l'innovation, l'harmonie dans la diversité et le renforcement des capacités – ainsi que des dix Actions stratégiques, telles que l'Action sur la santé, l'Action sur les infrastructures, l'Action sur le commerce et les investissements, l'Action sur les échanges culturels et celle sur la sécurité et la stabilité. Ce qui m'a particulièrement impressionnée, c'est la capacité de la Chine à partager son expérience de modernisation rapide et inclusive, adaptée, il faut le souligner, aux réalités africaines. Par exemple, les discussions sur l'Action pour la sécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté ont mis en lumière des initiatives concrètes, comme les projets agricoles sino-africains qui pourraient booster la productivité en Algérie, où nous luttons contre les effets du changement climatique. De même, l'Action sur les infrastructures – avec des exemples de routes, ports et chemins de fer – renforce notre conviction que la coopération sino-africaine est un levier essentiel pour l'intégration économique du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne. Globalement, ce séminaire a renforcé les liens de fraternité entre la Chine et l'Algérie, deux "Pays Amis" depuis 1958. La Chine étant le premier pays non arabe à reconnaitre le gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), deux jours seulement après sa proclamation d'indépendance en septembre 1958.

Ce séminaire nous laisse optimistes quant à une collaboration accrue pour un développement inclusif, respectueux de la souveraineté et des priorités africaines. Je suis impatiente de relayer ces avancées auprès de nos autorités et partenaires pour en tirer des bénéfices tangibles.

Quelles propositions avez-vous pour une coopération sino-africaine plus proche des peuples, vue de l'Algérie ? Vous savez ce qui est bien dans cet échange, c’est justement le fait de s’inscrire dans une vision panoramique. Bien que je sois Enseignante-chercheure, mon centre d’intérêt est plutôt la discipline info-com. Mais en venant à Xi’an, j’ai découvert davantage l’importance de la pluridisciplinarité. Voir le savoir-faire chinois dans plusieurs domaines nous incite à réfléchir à ce dont nous avons besoin dans plusieurs domaines. Ce séminaire m’a permis de découvrir le poids de la coopération algéro-chinoise, à quel point mon pays avance dans des projets sûrs et de qualité.

Par ailleurs, l’Algérie, et pour garantir davantage le progrès dans toutes les franges sociales, opte pour le fait qu’il faut faire valoir les richesses et les compétences algériennes qui peuvent profiter du savoir-faire chinois. Je pense particulièrement à l’Intelligence artificielle, l'IA, aux moyens de communications au développement de nos médias, à la sécurisation de la sphère numérique. Nos amis chinois peuvent nous aider dans un avenir proche, à avoir nos propres réseaux sociaux numériques. Le désordre informationnel, l’émergence de la désinformation et les guerres cognitives nécessitent un partenariat stratégique entre l’Algérie et la Chine. Comme vous le savez, le rapport de la "Fondation Kofi Annan" avait prédit que l’Afrique sera menacée et déstabilisée par des campagnes de désinformation qui nuiront à la stabilité de tout le continent. Ce qui affecte tout développement et toute coopération. La stabilité est un enjeu stratégique et l’Algérie peut, éventuellement, compter sur son partenaire historique chinois qui a œuvré pour son indépendance. On dit bel et bien «un ami un jour,un ami pour toujours». Cette expression n’est pas juste un adage, mais elle reflète parfaitement la ature des relations algéro-chinoises.

Et pour revenir à la pluridisciplinarité, je dirais que je suis marquée par la résilience chinoise qui a permis de garantir une autosuffisance alimentaire. La conférence du Professeur Yongzhong Feng de l'Université d'Agriculture et des Sciences Forestières du Nord-ouest de Yangling m’a particulièrement impressionné. Le défi réel pour notre continent c’est la sécurité alimentaire. Le principe gagnant-gagnant incarné par la politique du Parti communiste chinois peut donner espoir aux nations africaines. Justement, la quatrième édition de la Foire Commerciale Intra-Africaine (FCIA - 4 au 10 Septembre 2025à Alger) constituait une véritable occasion "pour conjuguer les relation sino-africainse uniquement au présent", comme le dit si bien le Président Xi Jinping. Le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune a réussi un défi exceptionnel depuis son élection en 2019, en œuvrant pour l’autosuffisance alimentaire en Algérie. Dans ce cadre, la coopération algéro-chinoise peut contribuer au rayonnement économique africain.

Permettez-moi de remettre ma casquette d’Enseignante-chercheure et de vous donner une idée sur mes aspirations. Je dirais en premier, de promouvoir la recherche scientifique. Selon le Forum sur la Coopération Chine-Afrique (FOCAC), la Chine a offert plus de 50 000 bourses d’études aux étudiants africains entre 2018 et 2024. En Algérie, environ 1 500 étudiants ont bénéficié de programmes éducatifs en Chine dans des domaines comme l’Ingénierie et la Médecine. Élargir ce programme à 5 000 bourses annuelles pour l’Afrique du Nord, dont 1 000 bourses supplémentaires pour l’Algérie, pourraient former une nouvelle génération de techniciens en Energies renouvelables et en Agriculture durable ; secteurs où l’Algérie investit énormément. Beaucoup de chercheurs algériens qui bénéficient de bourses allaient en France, sans apporter une valeur concrète. La Chine peut accueillir, en tout cas je l’espère, les chercheurs algériens, les former et pourquoi pas tisser des partenariats avec leurs établissements respectifs. Je pense également que la Chine peut éventuellement aider mon pays à créer ses propres réseaux socio-numériques, à développer davantage son IA. Je souhaite aussi que nos étudiants et nos chercheurs soient former sur l’IA, et pourquoi pas penser sérieusement à créer un équilibre médiatique.

Je reviens à l’Education aux médias. L’Algérie, le continent africain et la Chine sont ciblés par les fake news. De ce fait, penser à créer un centre d'Éducation aux Médias et à l'information, EMI, pour lutter contre la désinformation peut être une bonne initiative. Histoire de contrecarrer le désordre informationnel et endiguer les guerres cognitives.

Que pensez-vous de l'initiative du Groupe de réflexion de Xi'an pour un suivi du séminaire ? Penser à la réflexion, c’est déja un premier pas pour faire valoir la voix africaine, l’existence africaine, Decartes disait : « Je pense donc je suis». Je pense aussi que cette intiative incarne l’envie d’affirmer l’existence africaine par la réflexion. En tant que Représentante de l'Algérie au séminaire de Xi'an sur "La modernisation à la chinoise et le développement de l'Afrique", je tiens à exprimer mon avis sur l'initiative du Groupe de réflexion de Xi'an pour un suivi de ce séminaire. Cette proposition, que j'ai découverte lors des discussions de clôture, est une excellente idée, à la fois innovante et nécessaire pour transformer les échanges en actions concrètes et durables. une durabilité dans l’action, qui peut se réaliser notamment à travers plusieurs voies.

En premier lieu , l’instauration d’un mécanisme de suivi, structuré et inclusif. Le séminaire a mis en lumière les Six objectifs principaux du FOCAC et les dix Actions stratégiques. Mais sans un suivi régulier, ces engagements risquent de rester lettre morte. Le Groupe de réflexion de Xi'an, en réunissant des experts chinois et africains, pourrait organiser des réunions annuelles ou bi-annuelles pour évaluer les progrès. Par exemple, en Algérie, où nous avons déjà des projets sino-algériens en cours (comme les investissements chinois dans les énergies renouvelables, représentant environ 15 % des projets en cours en 2025), ce groupe pourrait identifier les obstacles et proposer des ajustements adaptés aux contextes locaux.

La deuxième voie possible n’est autre que le renforcement de la voix africaine. Du point de vue algérien, cette initiative est une opportunité pour amplifier les perspectives africaines dans le dialogue sino-africain. L'Algérie, en tant que membre influent de l'Union africaine, pourrait contribuer activement à ce groupe, en partageant nos expériences sur la diversification économique et la lutte contre le chômage des jeunes. Imaginez des ateliers thématiques sur l'Action pour l'innovation, où des startups algériennes pourraient collaborer avec leurs homologues africines et chinoises. Elles peuvent potentiellement générer plus de 10 000 emplois dans les secteurs numériques d'ici 2030, en s'inspirant des modèles de suivi comme le Forum de l'initiative "la Ceinture et la Route".

L'initiative du Groupe de réflexion de Xi'an est un pas décisif vers une coopération sino-africaine plus dynamique et responsable. Elle renforce ma conviction que ce séminaire n'était pas un événement isolé, mais le début d'un partenariat transformateur. L'Algérie est prête à y contribuer activement et à en tirer des bénéfices pour son développement souverain et celui du berceau de l’humanité, l’Afrique.

Propos recueillis par Héribert-Label Élisée / Envoyé spécial à Xi'an