4è plénum du 20è Comité central du Parti communiste chinois : une matrice de souveraineté, de résilience et de projection mondiale

Par Héribert-label Elisée Adjovi

INTRODUCTION Le 4ème plénum du 20è Comité central du Parti communiste chinois, PCC, s’inscrit dans une séquence politique hautement structurée, à mi-chemin entre le 20è Congrès du Parti (dimanche 16 octobre au samedi 22 octobre 2022) et le lancement du 15ème Plan quinquennal de développement économique et social de la Chine (mardi 20 octobre au jeudi 23 octobre 2025). Il agit comme un pivot stratégique, consolidant les acquis du « socialisme à la chinoise pour une nouvelle ère » et préparant les conditions de la modernisation à l’horizon 2035.

Le communiqué final, dense et structurant, réaffirme les fondements du modèle chinois : centralité du Parti sous le leadership et les pensées du Secrétaire général Xi Jinping, sauvegarde de la primauté du Peuple, développement de haute qualité, réformes et ouverture, sécurité intégrée, innovation souveraine et diplomatie proactive. Il trace les contours d’un paradigme alternatif à la modernisation occidentale, fondé sur la planification, la résilience et la souveraineté. Dans un contexte international marqué par l’incertitude, les tensions géopolitiques et les fractures du multilatéralisme, le plénum propose une vision systémique de la gouvernance, articulant transformation interne et influence mondiale. Il offre aux pays du Sud global en général et aux pays Africains en particulier, une grille de lecture stratégique et une opportunité de coopération fondée sur la complémentarité et le respect des trajectoires nationales.

Modernisation à la chinoise : un paradigme alternatif Le plénum réaffirme que la modernisation chinoise ne saurait être calquée sur les modèles occidentaux. Elle repose sur cinq piliers : leadership du PCC, bien-être du Peuple, développement de haute qualité, autonomie technologique et sécurité globale. Le Parti communiste chinois conserve le monopole du pouvoir, tout en adaptant les mécanismes du marché à ses objectifs politiques. En tant que tel, il est le garant de la stabilité, de la cohésion sociale et du développement. La Chine privilégie un développement « de haute qualité », fondé sur l’innovation, la montée en gamme industrielle, la transition écologique et l’autonomie technologique. L’objectif étant de réduire les vulnérabilités face aux pressions extérieures. La modernisation à la chinoise vise, in fine, à améliorer le bien-être du peuple : sécurité sociale, éducation, santé, logement, emploi. Le développement est pensé comme un levier d’équité territoriale et sociale. L’enjeu, c’est d’éviter les fractures sociales, tout en maintenant une croissance soutenue. La modernisation à la chinoise est un paradigme alternatif qui combine planification éthique, innovation technologique, inclusion sociale et souveraineté politique. Elle propose une voie de développement adaptée aux réalités du Sud global, tout en redéfinissant les normes de la gouvernance mondiale. En termes de performances, le 14è Plan quinquennal de développement économique et social de la Chine (2021-2025) a enregistré des records impressionnants : - l’économie chinoise a progressé de plus de 35.000 milliards de yuans (environ 4914 milliards de dollars US), représentant environ 30% de la croissance mondiale en moyenne chaque année ; - la valeur ajoutée du secteur manufacturier a dépassé chaque année les 30.000 milliards de yuans (environ 4.212 milliards de dollars US), maintenant sa position de leader mondial depuis 15 années consécutives ; - en 2024 et pour la première fois dans l’histoire de la Chine moderne, la production céréalière a dépassé les 700 millions de tonnes. La disponibilité céréalière par habitant s’élève désormais à 500 kg, dépassant ainsi le seuil de sécurité alimentaire internationalement reconnu de 400 kg par personne ; - le nombre de personnes couvertes par l’assurance vieillesse de base en Chine a atteint 1,072 milliard, avec un taux de couverture passé de 91% à plus de 95% ; - l’espérance de vie moyenne en Chine a atteint 79 ans, ayant progressé d’un an à chaque période quinquennale depuis le 12è Plan quinquennal jusqu’au 14è Plan ; - Plus de 10.000 nouvelles lignes ferroviaires à grande vitesse mises en service. A ce jour, le réseau ferroviaire à grande vitesse chinois représente le double de la longueur totale de tous les autres réunis ; - 4 sites chinois ont été inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO (Quanzhou dans la province du Fujian, les forêts anciennes de théiers du mont Jingmai à Pu’er dans la province du Yunnan, l’Axe central de Beijing et les tombeaux impériaux des Xia Occidentaux dans la région autonome Hui du Ningxia) ; - Les athlètes chinois ont remporté 519 titres de champion du monde et établi 68 records mondiaux ; - et la couverture forestière chinoise dépasse 25% avec une nouvelle superficie forestière équivalente à celle de toute la province du Shaanxi. En outre, la Chine se classe au premier rang mondial en matière de croissance de la couverture forestière, contribuant à un quart de la nouvelle superficie forestière mondiale.

Sécurité intégrée et gouvernance préventive Dans le cadre du 4è plénum du 20è Comité central du Parti communiste chinois, les participants ont adopté une approche holistique de la sécurité qui inclut la sécurité alimentaire, énergétique, technologique, environnementale, idéologique et militaire. Le plénum appelle à une gouvernance anticipative, capable de prévenir les risques systémiques dans un contexte international jugé incertain. La gouvernance préventive devient donc, un pilier central. Le PCC appelle à : - renforcer les mécanismes d’alerte précoce ; - anticiper les vulnérabilités dans les chaînes d’approvisionnement ; - et sécuriser les infrastructures critiques (numériques, logistiques, énergétiques). La sécurité intégrée et la gouvernance préventive constituent une réponse chinoise aux défis du 21è siècle. Elles traduisent une volonté de contrôle, d’anticipation et de souveraineté, dans un monde perçu comme fragmenté et incertain. Ce paradigme offre aux pays du Sud global en général et aux pays Africains en particulier, une alternative à la dépendance sécuritaire occidentale, fondée sur la planification, la coopération et la résilience.

Technologie et innovation comme leviers de souveraineté L’autonomie technologique devient un impératif stratégique. Le plénum appelle à accélérer la recherche fondamentale, à sécuriser les chaînes d’approvisionnement critiques (semi-conducteurs, Intelligence artificielle, énergies renouvelables, biotechnologies) et à renforcer les capacités nationales en matière de cybersécurité et de défense par : - le développement de systèmes autonomes (cloud, OS, IA) ; - la protection des données stratégiques ; - le renforcement des capacités de cyberdéfense ; - et l’encadrement des plateformes numériques et des algorithmes. Le 4è plénum réaffirme que l’innovation est au cœur du développement de haute qualité. Elle est pensée comme un moteur de croissance, mais aussi comme un outil de résilience nationale. A ce propos, la Chine affirme son leadership mondial en 5G et en robotique industrielle, connaît percée dans l’Informatique quantique et les semi-conducteurs, et exerce une domination sur le marché mondial du solaire et des batteries. La Chine fait de la technologie un levier de souveraineté, de puissance et de résilience. Elle propose un modèle alternatif où l’innovation est encadrée, finalisée et alignée sur les intérêts nationaux. Ce paradigme offre aux pays du Sud global une voie de développement technologique indépendante, coopérative et stratégique.

Diplomatie proactive et réforme de la gouvernance mondiale La Chine présente son modèle comme une alternative pour les pays en développement. Elle valorise la coopération Sud-Sud, le respect des trajectoires nationales et la réforme du système international, en promouvant des « solutions chinoises » aux défis globaux. Le plénum appelle à une diplomatie plus inclusive, notamment envers les pays du Sud global, à travers la valorisation : - du respect des trajectoires nationales ; - du transfert de savoir-faire et d’infrastructures ; - et de la diplomatie culturelle et éducative. Le communiqué critique les logiques d’endiguement, de blocs et de confrontation idéologique. La Chine appelle à dépasser les clivages hérités de la guerre froide pour construire un ordre mondial plus équitable, multipolaire et inclusif. Message stratégique : La Chine se positionne comme un acteur de réforme, non de rupture, du système international. La Chine propose des alternatives aux normes occidentales dans plusieurs domaines : - Développement : modèle de croissance planifiée et souveraine - Sécurité : approche intégrée et préventive - Technologie : coopération Sud-Sud et innovation partagée - Gouvernance : réforme des institutions multilatérales (ONU, OMC, FMI). Opportunités pour l’Afrique : Renforcer les partenariats sino-africains sur la base de la complémentarité stratégique, du co-développement et de la réforme multilatérale. Recommandations pour les acteurs Africains : - Observer les évolutions du modèle chinois comme source d’inspiration pour des trajectoires de développement souveraines ; - Renforcer les mécanismes de coopération bilatérale et multilatérale avec la Chine, notamment dans les domaines technologiques, éducatifs et environnementaux ; - et Anticiper les répercussions géopolitiques de la modernisation chinoise sur les équilibres régionaux et mondiaux. La diplomatie proactive chinoise vise à remodeler la gouvernance mondiale selon des principes de souveraineté, d’équité et de coopération. Elle offre aux pays du Sud en général et aux pays Africains en particulier, une alternative aux paradigmes dominants, fondée sur le respect mutuel, la complémentarité et la co-construction. Le 4è plénum confirme cette ambition, en liant diplomatie, développement et sécurité dans une vision systémique.

CONCLUSION Le 4è plénum du 20è Comité central du Parti communiste chinois marque une inflexion stratégique dans la trajectoire de la Chine vers la modernisation socialiste à l’horizon 2035. A travers son communiqué, le PCC réaffirme sa volonté de piloter un développement de haute qualité, fondé sur l’innovation, la sécurité intégrée et la gouvernance préventive. Ce plénum consacre la centralité du Parti comme architecte de la transformation nationale, tout en consolidant les piliers d’un modèle alternatif à la modernisation occidentale. Il articule souveraineté technologique, inclusion sociale, résilience systémique et diplomatie proactive dans une vision cohérente et planifiée. Sur le plan international, la Chine se positionne comme une force de réforme et de stabilisation, en proposant des « solutions chinoises » aux défis mondiaux et en renforçant les partenariats avec le Sud global. Le plénum trace ainsi les contours d’un ordre mondial multipolaire, fondé sur la souveraineté, la complémentarité et la coopération. Pour les acteurs du Sud global en général et des pays Africains en particulier, ce moment politique offre une opportunité stratégique : repenser les modèles de développement, renforcer les mécanismes de coopération avec la Chine et s’inscrire dans une dynamique de co-construction d’un multilatéralisme rénové.

Héribert-Label Élisée ADJOVI Gouverneur du Magazine Panafricain de Diplomatie et de Relations Internationales "Le Label Diplomatique" Président du Groupe de Réflexion de Xi'an pour la Coopération et le Développement Sino-Africain Président du Caucus des Journalistes Africains pour la Communauté de Destin du Sud Global